Edito de Murielle Lefebvre : La méthode pédagogique de Maria Montessori
Pourquoi est ce une méthode scientifique ?
Maria Montessori a été médecin auprès d’enfants et de familles avant d’écrire sa démarche d’éducation. Elle part de l’observation du développement du corps et, ce qui est nouveau à son époque, du développement de l’esprit, de l’intelligence et de la personnalité de l’enfant.
Elle parle d’une nouvelle éducation par la joie. L’enfant, grâce aux activités réelles, épanouit son être intérieur et le hisse. C’est une méthode qui conduit à la liberté de l’enfant.
Comment pouvons nous aider à la croissance globale de l’enfant ?
La réponse de Maria est simple : pas de punitions, pas de menaces, pas d’aide superflue, pas de récompense mais de l’observation, de l’écoute, de la compréhension, de la patience, du dialogue, du respect et de l’amour.
Concrètement, cela signifie lui permettre de l’activité et répondre à ses efforts orientés vers son indépendance.
Brian a trois ans, il réclame souvent à sa mère « je veux du travail ».
Quelle est la signification de cette phrase ?
Il veut exprimer un manque, un besoin précis, peut-être un ennui aussi ?
Quand sa Maman nettoie les vitres, il lui arracherait le chiffon et le produit. Idem lors du jardinage ou lors du nettoyage de la table du repas avec le spray.
Sa Maman est obligée de trouver un subterfuge pour qu’il cesse de nettoyer les chaises du jardin. Les 500 ml de produit seraient pulvérisés et le rouleau d’essuie-tout dévidé. Brian s’acharnerait durant des minutes interminables pour sa Maman sur la même chaise. Elle connaît ce mécanisme mais cela ne suffit pas à laisser sereinement cette liberté intégrale à l’enfant.
Chaque enfant se construit à son rythme et l’éducation par la peur, la menace, la sanction, la culpabilité ou le découragement ne font qu’abîmer ce processus (de façon grave et irréversible).
Nous avons encore tant à observer et a comprendre chez « le père de l’adulte » comme écrivait Maria !
A bientôt à tous
Cordialement, Murielle LEFEBVRE
ps) Nous cherchons des contributeurs à notre newsletter afin de la structurer plus, car vous nous dîtes en être satisfaits. Nous souhaitons aborder mensuellement un thème sur l’éducation en général, publier un article sur la pédagogie Montessori appliquée à l’une des trois tranches d’âges (0-3, 3-6, 6-12), puis appliquée au handicap. Si vous voulez partager vos lectures ou tout autre sujet proche de l’enfant, c’est avec plaisir que nous vous ferons une place dans notre publication mensuelle.
C’est grâce à vous et avec vous que nous pouvons avancer sur le chemin de la connaissance de l’éducation.
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Compte-rendu d’une demi-journée au Forum de l’AIRAP, 22 octobre 2011, par Guillemette de LESTANVILLE
Le samedi 22 octobre 2011 se tenait dans le sixième arrondissement de Paris, au sein de l’école Bossuet, le forum de l’AIRAP, Association Internationale pour la Recherche et l’Animation Pédagogique, fondée en 1971 par les collaborateurs du père Pierre Faure (1904-1988). Son thème : « De l’école à l’éducation : un chemin personnalisé ».
Le lieu n’était pas anodin : l’école Bossuet pratique aujourd’hui dans tout le primaire la « pédagogie personnalisée et communautaire » développée par le père Faure. C’est une école catholique sous contrat d’association avec l’Etat où on pratique une pédagogie largement active, et on utilise du matériel Montessori, tout en conservant une organisation de classe traditionnelle (pas de mélange d’âges notamment).
Les classes regroupent des élèves de la même année comme dans le système classique mais quelques aménagements ont été faits pour permettre le travail personnalisé.
Que voit-on en classe de CP par exemple ? Des étagères courent le long des murs pour exposer le matériel qui est en libre accès. Il y a du matériel Montessori, par exemple les barres rouges et bleues, et du matériel Lubienska comme les Dictées Muettes. Les tables sont alignées mais groupées par deux ou trois. Le tableau noir reste central, mais tout un affichage le rend plus attrayant (alphabet, correspondance des chiffres et des doigts, carte d’Europe, lettres étudiées en groupe classe). Il n’y a pas d’estrade ni de bureau de l’enseignant, et un assez grand espace libre devant pour permettre aux enfants de travailler par terre. Des affichages mettent en évidence des « programmations » qui permettent l’organisation du travail des élèves.
Revenons sur les racines de ce courant pédagogique, qui étaient rappelées sur de grands panneaux d’affichage accrochés aux murs de la salle de conférence.
Prêtre jésuite né en 1904, Pierre Faure est d’abord professeur de sciences, puis, dans les années 1937 il est nommé en région parisienne à l’Action Populaire, organisation chrétienne fondée au début du XXème siècle pour soutenir les organisations professionnelles et syndicales face aux problématiques contemporaines. Il réfléchit aussi sur les aspects sociaux et économiques de la vie professionnelle et sur les contraintes des familles. Homme de réflexion et d’action, le père Faure est amené à traiter de questions scolaires car les projets du Front Populaire, alors au pouvoir en France, sont de fondre l’Enseignement Libre dans l’Education Nationale, c’est à dire que l’instruction des enfants soit 100% publique. Le père Faure se situe d’abord dans un combat pour la liberté scolaire, combat qui reprend après guerre et culmine en 1945-1947.
Quel lien avec le concret de la pédagogie ? Au Forum de l’AIRAP, une conférence de Guy AVANZINI permettait de comprendre comment le Père Faure en est venu au terme de pédagogie « personnalisée ».
A l’époque en France de forts courants philosophiques s’affrontent. Pierre Faure est proche de celui du « personnalisme », une vision chrétienne de l’homme pour qui tout être humain est une personne (qui reçoit, qui donne, qui est dans un échange), et non un individu, et de plus une personne à l’image de Dieu. Dans sa pensée pédagogique, cela se décline dans le désir que les enfants pensent par eux-mêmes, dans la foi dans les possibilités de l’homme et en particulier de l’enfant, dans son rôle social pour construire le monde de demain.
A l’époque de ce débat scolaire, trois options pédagogiques étaient possibles. Soit on conservait une école à composante concurrentielle et méritocratique sur le modèle traditionnel, mais pour le père Faure c’est une école où les élèves sont des individus qui se méfient les uns des autres et travaillent contre les autres.
Soit on allait vers une école à dominante collectiviste inspirée par le marxisme qui se développait en France, mais là encore la personnalité de l’élève n’était pas respectée.
Une dernière option s’ouvrait alors, celle portée par le courant de l’Ecole Nouvelle en développement, pour qui la personne, l’élève, possède un dynamisme intellectuel et un véritable désir de s’instruire. Pierre Faure choisit cette option.
Il commence par créer un Centre d’études pédagogiques (1938-1945) pour mettre à la disposition des éducateurs des ressources pédagogiques dans le souci d’une pluralité scolaire. Il est en lien avec les écoles privées de France qui adoptent des pédagogies alternatives comme l’école des Roches, et avec les leaders de l’école Nouvelle.
C’est en écho à ces réflexions d’ordre philosophiques, qu’une rencontre va être déterminante, celle d’Hélène Lubienska de Lenval (1895-1972). Pierre Faure rencontre en 1941 celle qui était alors collègue de Maria Montessori; subjugué par son travail il lui demande d’intervenir dans des sessions d’été qu’il organise. Il est séduit par une méthode qui tient compte du besoin d’activité de l’enfant et de son rythme, et pour laquelle toute activité mentale doit être accompagnée d’une activité musculaire.
C’est par Hélène Lubienska, avec laquelle il collabore pendant 10 ans activement, puis avec qui il restera en contact pendant 20 autres années , qu’il est introduit à la pensée de Maria Montessori, il se passionne ensuite pour Edouard Seguin. Il étudie le matériel Montessori, visite des écoles Montessori en Europe et en France (comme l’école des Lanternier à Limoges qui déménagera à Rennes et deviendra le CRELAM), cherche et crée du matériel pédagogique à son tour. En 1972, il écrit : « La méthode Montessori me sert d’instrument. Si je m’appuie sur la technique montessorienne, c’est que je dois à la grande Doctoresse tout autant qu’elle devait à Séguin. Mais je n’appartiens pas à l’orthodoxie établie par la société Montessori internationale. » (Pierre Faure s.j., Editions Don Bosco, p. 178)
Il correspond avec Mario Montessori qui l’incite à poursuivre dans sa voie et en 1984 il écrit à des enseignantes formées par lui : « Grâce à la formation reçue, grâce surtout à la « personnalisation » que vous pratiquez en rendant, le plus possible, chaque enfant responsable de lui-même, y compris de son travail scolaire (… vous…) répondez à l’appel souvent implicite, mais toujours très réel, que Maria Montessori mettait sur les lèvres et dans les yeux des enfants (…) : « Aide-moi à faire tout seul » ». (Pierre Faure s.j., Editions Don Bosco, p. 180).
Si l’on suit le fil historique, Le Père Faure crée ensuite un Centre de formation pédagogique en 1947 (équivalent pour le privé des IUFM), doté d’une école d’application visitée par de nombreuses personnes, et anime des sessions de formations d’enseignants à travers le monde.
Enfin, une association vient soutenir ce travail, l’AIRAP, présente sur différents continents : Europe, Amérique Latine et Amérique du Nord, œuvrant pour le développement de l’enfant dans toutes ses dimensions, y compris spirituelles. Au Forum de l’AIRAP, une grosse délégation mexicaine manifestait son intérêt pour cette approche et son actuelle richesse. Aujourd’hui, plus qu’une méthode pédagogique, c’est un esprit pédagogique qui y est soutenu et qui se fonde sur la lignée éducative de Maria Montessori.
Mais alors, pourquoi le terme de « communautaire », puisque la pédagogie du Père Faure se définit comme « personnalisée ET communautaire » ?
L’aspect collectif, bien que présent chez Maria Montessori dans toute la vie de la classe, il est vécu différemment ici. Les élèves mettent systématiquement en commun leurs découvertes, lors d’un temps prévu dans l’emploi du temps qui dure environ 30 minutes en fin de matinée en primaire, car pour Pierre Faure : « Il existe une double aspiration dans l’être humain. L’aspiration à être soi-même. L’aspiration à communiquer avec l’autre. En réalité, c’est un même mouvement. » (Pierre Faure s.j., Editions Don Bosco, p. 186).
C’est pourquoi le fonctionnement des classes, sur des fondements montessoriens, peut paraître analogue à celui des classes traditionnelles, car y voit relativement beaucoup de travail collectif (environ 2/3 de travaux personnels et 1/3 de travaux collectifs).
== la suite de l’article de Guillemette dans la prochaine édition de notre newsletter ==
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Blossom, une petite école Montessori pour enfants sourds, par Murielle Lefebvre
C’est une petite structure qui a été créée il y a 9 ans en 2003 en Floride.
Il y avait 8 enfants lors de cette première ouverture.
Aujourd’hui, il y a 34 enfants dans 4 classes, ils sont âgés entre 3 et 15 ans.
- Il y a la classe 3-6 ans avec 11 enfants et une enseignante seule.
- La classe 6-9 ans avec 10 enfants, une enseignante et une assistante.
- La classe 9-12 avec 7 enfants et une enseignante.
- La classe 12-15 avec 6 jeunes et une enseignante.
Cette école accueille tous les enfants sourds, malentendants, mais aussi des enfants entendant de parents sourds, des frères ou sœurs d’enfants sourds et des enfants ayant d’autres déficiences. Lia est une jeune enfant de 11 ans qui est dans l’attente d’une transplantation cardiaque et vient tous les matins dans l’école.
Il y a aussi une orthophoniste pour tous les enfants de l’école. Les autres adultes professionnels sont le directeur et la directrice adjointe.
C’est une école complètement privée qui ne reçoit donc pas de subvention publique. Les parents doivent normalement participer financièrement pour équilibrer le budget.
Certaines familles n’ont pas les moyens et donc le staff est en recherche permanente d’aides extérieures diverses. Ils organisent des fêtes pour récolter un peu de fonds aussi.
Aux Etats-Unis, toutes les organisations publiques ou privées ont l’habitude de faire appel à des dons. Carol, la directrice m’explique qu’une des familles paie seulement 25 % du montant mensuel demandé car elle sait que cette famille ne peut donner plus.
Dans cette école tout le monde communique par la langue des signes, enfants et adultes. L’apprentissage de ce mode de communication se fait naturellement au quotidien dans l’ambiance, sans leçon spécifique sur les signes.
Les enfants mais aussi les adultes perfectionnent en permanence ce langage. Carol me dit qu’il y a des sessions gratuites organisées pour tous par la bibliothèque de la ville, que la plupart des parents s’y rendent. Étonnamment elle ne connaît pas le langage des signes pour bébés ni les animations locales a ce sujet.
Elle participe à une communauté qui utilise les signes, elle sensibilise le monde autour d’elle. Je pense qu’elle a une bonne expertise de cette langue car c’est elle qui traduisait une conférence AMS à NYC en 2007 devant des milliers de personnes. J’assistais à cette conférence et j’avais immédiatement reconnu Carol au pied de la scène (que je connais depuis que nous avons fait ensemble notre formation Montessori en Floride il y a 8 ans).
Les locaux sont modernes et spacieux, situés parmi d’autres entreprises dans un quartier de la ville de Clearwater en Floride.
À première vue on repère une école montessori comme les autres grâce au matériel, a la joie affichée par tout le monde, a l’ouverture des portes de toutes les pièces car chacun circule comme il le souhaite dans l’école.
Je suis accueillie par Carol et elle passe 3 heures avec moi pour me présenter individuellement à chaque personne de l’école. Les enfants sont excités d’avoir la visite d’une Française.
Ils se présentent, m’épellent leur prénom, Carol leur demande de me signer leur âge. Je les trouve formidables et tout le monde est de bonne humeur.
À suivre le mois prochain ou je vous parlerai de chaque tranche d’âge….