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Méthode OML

Education pour la vie, extraits de la lettre N°28 – Avril 2011

Edito de Murielle Lefebvre

Je suis encore sous l’effet de cette splendide semaine passée à Avignon parmi un groupe d’une quinzaine d’adultes. Nous nous sommes enrichis les uns les autres grâce à une écoute et une ouverture dont le langage était le fil conducteur. Les soirées animées sur le thème des langages de signes, de l’accompagnement aux parents et de la fabrication de matériels ont été intenses. C’est ainsi qu’au sein de notre association nous concevons et conduisons nos projets depuis des années, afin de faire connaître et partager le fond de la pédagogie de Maria Montessori. Grâce à l’accueil enthousiaste et chaleureux des créateurs et enseignants de véritables lieux respectueux de la pédagogie Montessori, nous sommes baignés dans une ambiance et pouvons en ressentir les bienfaits sur les enfants qui y travaillent au quotidien.

Nous sommes heureux de voir des projets naître, se concrétiser. Certains viennent à toutes nos formations et accumulent une dizaine de semaines sur des thèmes différents. Nous accompagnons des projets non seulement dans les régions de la métropole mais aussi en dom-tom, et puis dans les pays francophones comme la Belgique ou le Canada. Nous sommes ébahis de voir la force des certains à orienter leur énergie vers le handicap (enfants et adultes), l’humanitaire ou l’illétrisme. Que leur souffle nous dynamise aussi !

Merci à Bernadette et à Catherine pour leur écrit du mois qui vous est destiné, à vous cher(ère) adhérent(e).

Merci de nous lire et de nous être fidèle.

Murielle Lefebvre – Responsable pédagogique de TMF

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Les traces de la mémoire du corps qui s’expriment dans le langage du corps-

de Catherine Digue graphothérapeute à Fontainebleau (77)

« c’est à travers ce que vous faites que ce que vous êtes se fera voir »

(Jung)

Les enfants que l’on reçoit en graphothérapie clinique et qui consultent pour une -mauvaise écriture- ne refusent pas toujours la langue dans leur écrit. Parfois même les mots se bousculent dans leur tête. Seulement voilà, au moment de passer par l’écrit, c’est une autre affaire et il faut souvent les déchiffrer, deviner ce qu’ils ont bien pu vouloir écrire ! Crispés, le bras ou la main tétanisés dans l’effort, ils résistent de tout leur corps à lâcher cette écriture. Tels des indices lancés sur la piste d’un détective, le thérapeute doit deviner ce qui se trame sans oublier que le psychique et l’émotionnel ne sont jamais déconnectés de notre corps.

« Le cadre de la graphothérapie clinique a suivi une évolution parallèle à celle de la psychothérapie psychanalytique corporelle ». « La graphothérapie utilise la trace porteuse de l’inconscient du corps pour travailler, à partir du tonus, la différenciation des espaces internes du sujet ».*

Ces jeunes sont étonnamment confus lorsqu’ils évoquent leurs douleurs ; c’est leur corps qui crie par la crampe, les étirements, leur bouche qui se tord ou leurs paupières qui battent .Que reste-t-il donc chez ces enfants de cette toute première mémoire du corps, depuis le ventre de leur mère jusqu’à ses bras, -embarqués dans la même nef, émotionnellement et affectivement ? ; C’est difficile pour eux de –grandir-, comme si leur corps appartenait encore à leur mère et rechignait à aller son propre chemin.

On sait qu’un fœtus entend et bouge en réponse ou pas aux mouvements de sa mère ; il fait ainsi l’expérience de la tonicité du corps de celle-ci et c’est là, dans ce tout premier -corps à corps- puis  niché dans les bras de sa mère qu’il trouvera sa sécurité, ou pas, un sentiment d’unicité et d’harmonie, ou pas.

La souffrance de nos jeunes patients reste dans le corps, d’où souvent des manifestations somatiques : difficultés à trouver le sommeil, à respirer, maux de tête, de ventre etc… C’est le seul moyen de montrer à quel point ils sont mal dans leur peau, mal avec eux-mêmes, mal avec les autres.

-« Mais comment s’y prend-t-on pour sentir ? » me dit un adolescent.

Oui, comment appréhender cette mémoire archaïque et ces zones tendues qui en sont les traces ? Peut-être en en prenant plus conscience jusqu’à sentir la vie en soi prendre corps…  puis devenir plus autonome et gagner en confiance. C’est de ce travail dont il est question en graphothérapie clinique.

*(Marie-Alice du Pasquier « de la sensori-motricité à la symbolisation » -L’inanalysable en psychanalyse, le divan par devant ed. L’Harmattan)

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Nos idées (fausses) sur les représentations de l’enfance – Bernadette Moussy

On ne connait point l’enfance : sur les fausses idées qu’on en a plus on va plus on s’égare » Jean Jacques Rousseau « l’Emile ou de l’éducation » introduction.

Dernièrement, lors d’un cours de pédagogie auprès d’étudiantes EJE, il fut question de la non reconnaissance de l’enfant, avant le 20e siècle. Comme si notre période en avait découvert l’existence et les caractéristiques, grâce à toutes les observations, les multiples ouvrages de pédagogie et de psychologie, psychopédagogie et de pédopsychiatrie, parus depuis le début du siècle dernier. Il est vrai que j’ai souvent entendu dire que c’était Maria Montessori (1870-1952) qui avait mis en valeur les caractéristiques de l’enfant en tant que tel.

Sans enlever toute l’importance que cette pédagogue a eue dans la reconnaissance de l’enfant, ainsi que beaucoup d’autres, remontons dans le temps, grâce à l’ouvrage de Jean François Dupeyron dont nous avons parlé dans la dernière chronique (« Nos idées sur l’enfance » étude des représentations de l’enfance en Occident, l’Harmattan, 2010) :

« On ne doit pas suivre les mêmes règles à l‘égard de tout le monde puisqu’on ne trouve pas en tous les mêmes dispositions et les même qualités, et qu’il arrive souvent que ce qui profite aux uns est nuisible aux autres…ainsi la règle qu’il faut garder, lorsqu’il s’agit d’instruire les autres…s’accommode et se proportionne aux qualités et aux dispositions »

Ce texte digne des conseils pédagogiques les plus évidents pour nous, est extrait de la « Règle pastorale » de Grégoire le Grand, pape à la fin du VIe siècle.

Nous sommes étonnés ! Ils pensaient déjà cela ? Alors, ils étaient aussi bien que nous ?

Sommes-nous si « éclairés » que cela ?

Il y a quelques dizaine d’années, lorsque j’ai commencé à donner des cours d’histoire de l’éducation, je donnais comme référence, l’ouvrage de Philippe Ariès (« L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, », Seuil, 1984). Cet historien des mentalités, nous avait appris que sous l’Ancien Régime, on aurait ignoré l’enfance. « Le sentiment d’enfance » serait né très lentement durant les siècles pour aboutir à notre époque à « l’enfant roi ». Cet auteur, qui serait le premier historien de la petite enfance, a fait un travail entre autres, sur les iconographies afin d’y découvrir la place des enfants. Il invente le terme de « mignotage » pour décrire l’attitude devant les poupins, les bébés, avec lesquels on s’amusait, tout en ignorant l’importance de cette période. Par ailleurs, sa description des abandons d’enfants par les mères qui les confiaient aux nourrices, fut reprise par Elisabeth Badinter (« L’amour en plus, histoire de l’amour maternel du XVIIe au XXe siècle ». Flammarion, 1998) qui a remis en cause l’amour maternel.

La méconnaissance du « sombre » Moyen âge a amplifié ces préjugés. Cela ne fait pas longtemps que l’on en a accepté une autre perception que celle d’une époque barbare et obscure. Régine Pernoud, historienne, médiéviste, archiviste-paléographe française, qui nous a dévoilé la richesse de cette période, s’amusait à constater que nous étions émerveillés par les cathédrales alors que nous ne prêtions aucune compétence technique et spirituelle à ceux qui les ont construites.

De notre coté, nous acceptions cette barbarie ou obscurantisme concernant l’enfance qui…avait su donner tous ces milliers d’hommes célèbres qui ont fait l’histoire.

Il faut reconnaitre que la connaissance de phrases connues des grands auteurs nous ont aussi orientés vers un jugement erroné des temps anciens, où l’enfant manque de raison avant l’âge…comparé à un petit animal, il doit, selon les travaux de François Loux (« Le jeune enfant et son corps dans la médecine traditionnelle » Flammarion, 1992), sortir de son animalité. Descartes a des idées bien méprisantes pour la période de l’enfance. C’est le chaos, pour d’autres, l’enfant a un comportement imprévisible, il est guidé par ses instincts. Fénelon  n’a pas non plus d’estime pour les enfants. Bref !

L’enfant est imparfait et nous avons à oublier que nous l’avons été. A-t-il une âme d’ailleurs ?

Il est vrai que ces constatations ont eu le mérite d’aborder le sujet. Leur imperfection a probablement servi de base à des auteurs qui nous ont apporté d’autres éléments contrebalançant les premières connaissances. Je recommande malgré tout l’ouvrage de Philippe Ariès, son approche est intéressante, même si ses conclusions sont contestables.

C’est ainsi que des historiens comme Didier Lett (« L’enfant des miracles, enfance et société au Moyen Age -XII et XIIIe siècle-, Aubier, 1997), Danièle Alexandre Bidon (« Les enfants au Moyen Age, Ve- XVe siècle » Hachette, 1997) nous ont fait découvrir que cette période d’enfance fut l’objet d’attention, de connaissances, de soins, de tendresse. Ils ont redressé la barre, en quelque sorte, nous apportant d’autres connaissances et ouvertures. Ce n’est pas terminé, mais c’est une contribution d’importance à la construction continuelle de l’histoire de l’éducation.

L’approche de cette dernière nous demande une certaine humilité que nous n’avons pas toujours.

Heureusement, notre époque est bien au faîte du respect de l’enfant, de sa valeur en tant que personne.

Alors… pourquoi ai-je vu dernièrement une institution pour tous petits qui s’appelle: « Les petits lascars » ?

(Lascar signifie : gaillard, zigoto ; par extension : apache, arsouille, bandit, banqueroutier, brigand, cambrioleur, canaille, carambouilleur, chenapan, clephte, coupe-jarret, crapule, crocheteur, écorcheur, écumeur, escarpe, escroc, forban, fripouille, galapiat, gouape, hors-la-loi, malandrin, margoulin, pendard, pilleur, pirate, requin, ruffian, sacripant, scélérat, souteneur, vaurien, voyou !…

La place de l’enfant est toujours à reconstruire…

De Bernadette Moussy