Edito par Murielle Lefebvre
J’ai envie de partager avec vous, l’introduction d’une émission radiophonique sur France Culture, écoutée il y a peu sur le sujet de la sérendipité.
« Commençons cette émission par une devinette : Quel est le point commun entre les découvertes de l’Amérique, l’homme de Néandertal, la pierre de Rosette, la grotte de Lascaux, la poussée d’Archimède, la loi de la gravitation, les rayons X, la radioactivité, l’électromagnétisme, l’infrarouge, l’aspirine, l’aspartame, l’insuline, le LSD, la pénicilline, le vaccin antivariolique, le Viagra, l’ADN, la pilule contraceptive, le Velcro, la photographie, la Citroën 2CV, le Post-It, le Kleenex, la gomme à effacer, le jacuzzi, le Frisbee, le Kevlar, le Téflon, le Laser, l’hélice de bateau, la dynamite, la Tarte Tatin, le Nutella, le Carambar, le Coca Cola, le Sauternes, les chips ou le Roquefort ? La réponse, vous l’avez devinée, c’est le hasard, point commun à cette liste à la Prévert. Ou, plus précisément, la sérendipité, dont nous allons parler aujourd’hui.
La sérendipité a fait l’objet du colloque de Cérisy en juillet 2009. L’occasion de remonter aux sources de cette notion aussi subtile que mystérieuse. Les premières traces datent d’un conte persan de 1302 intitulé « Les pérégrinations des trois fils du roi de Serendip ». L’écrivain britannique Horace Walpole reprend le terme en 1754 et lui donne une définition : « faire des découvertes, par accident et sagacité, de choses que l’on ne cherchait pas ». Chaque mot compte et l’on constate que la notion de sérendipité dépasse largement le simple hasard. A l’accident déclencheur doit s’associer la sagacité, c’est-à-dire le discernement ou le flair qui permettent de détecter une anomalie, de la questionner, de l’interpréter, de la comprendre et de l’exploiter. On est ainsi bien loin du pur coup de chance. Les découvertes, même fortuites, ne se réalisent pas facilement et ne sont pas à la portée de tout le monde.
L’intervention du hasard dans les découvertes relève-t-elle de l’anecdote ou bien soulève-t-elle le voile sur un phénomène plus profond en matière de créativité humaine ?
Comment comprendre que l’on trouve ce que l’on ne cherche pas alors que l’on rencontre tant de difficultés à trouver ce que l’on cherche ?
Faut-il accepter une part chaotique dans le processus de la découverte ou bien la sérendipité est-elle transformable en méthode ?
Pourrait-on, ainsi, imaginer enseigner la sérendipité ?
Ne s’agirait-il pas, finalement, de l’embryon d’une démarche favorisant la créativité en la libérant des idées reçues, de la normalisation de la pensée et du syndrome du réverbère ? »
Vous vous demandez peut-être en quoi cela concerne la pédagogie de Maria Montessori ?
Dans cette démarche nous sommes très près de l’approche pédagogique scientifique pronée par Maria. L’enfant dans une ambiance montessori préparée pour ses besoins observe, questionne, explore, fait des hypothèses, conclut. Dans des conditions matérielles et humaines optimum il pourra lui aussi vivre la sérendipité.
Chaque enfant est un découvreur en puissance !
Merci de nous lire et de nous être fidèle.
Murielle Lefebvre – Responsable pédagogique de TMF
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Toucher et non pas endurcir
Un des textes de Jean Jacques Rousseau que je préfère se situe dans son troisième chapitre de : « l’Emile, ou de l’éducation » (Editions Flammarion, 1966. Page 300). Ce texte parle de l’adolescence et concerne l’éducation des sentiments.
Fidèle à sa critique du monde urbain, il conseille à l’éducateur de faire vivre son élève à la campagne où, ce qu’il appelle « les passions », se dévoile moins rapidement. Je ne sais si la sexualité des jeunes est moins précoce à la campagne, ou même l’était à son époque, mais dans la compréhension de la continuité de son ouvrage, il entend que leurs sens ne soient pas provoqués trop tôt et qu’ils aient le temps de grandir à leur propre rythme.
Mais le propos essentiel de son texte est qu’il s’agit de bien choisir l’environnement de l’enfant. Il annonce ici les principes montessoriens et la recherche de qualité de l’ambiance. Il demande qu’on évite de montrer à l’enfant des scènes de la vie où il verra l’autre souffrir sans pouvoir réagir. En effet, assister à trop de douleur nuit. Jean-Jacques désire que l’enfant soit le témoin de « touchants tableaux » qui vont éveiller sa sensibilité. Il ne veut pas que l’enfant s‘habitue à voir la misère. « Longtemps frappés des même spectacles, on ne sent plus les impressions ».
On ne peut s’empêcher de faire la comparaison avec ce que nous voyons actuellement à la télévision où dans les journaux. Certaines images sont exposées sans aucune pudeur vis-à-vis de ceux dont on nous montre la mort ou la souffrance et sans aucune précaution pour le regard de celui qui est devant son poste de T.V. ou est surpris en tournant la page du quotidien. Nous sommes alors coincés entre le fait d’être heurtés et notre impuissance. Nous n‘avons pas l’espace pour nous protéger. Qu’en est-il alors pour l’enfant ? Il n’a pas le recul pour se défendre, pour relativiser. Même nous adultes l’avons-nous ? Est-ce possible de se défendre ?
Plus loin, Rousseau explique la raison pour laquelle on doit choisir les stimulations envoyées à l’enfant : « Il faut toucher et non endurcir, ce n’est pas tant ce que l’enfant voit que son retour sur ce qu’il a vu qui détermine le jugement qu’il en porte ». Ces deux idées se complètent. En effet lorsque Rousseau parle de « toucher » il sous entend non pas bouleverser, bousculer, envahir d’émotion mais il désire provoquer chez l’enfant un long et profond mouvement qui viendra de lui-même non pas comme une « réaction à », mais comme une construction, une création, une évolution qui sera ce « retour », après un travail intérieur actif. Il s’agit qu’il prenne le temps de se souvenir, de penser, de ressentir un sentiment.
Confronté à des situations ou images bien choisies, l’enfant ne va pas « s’endurcir » mais s’éveiller à ses propres sentiments et être plus sensible aux autres.
Ce n’est pas facile de se protéger de la violence qui nous entoure. Des choix de vie s’imposent. « Il faut bien que l’enfant apprenne la vie » dit-on quelque fois.
Les détails de la vie quotidienne, proches de nous, sont porteurs d’impressions que l’enfant partage ou que nous partageons avec lui. Écoutons-le. Nous l’aiderons ainsi à élaborer, construire, sans l’interrompre, sa propre pensée et nous pourrons ainsi réagir à notre tour, échanger… construire ensemble une lecture de la vie.
Bernadette Moussy