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Méthode OML

Education pour la vie, extraits de la lettre N°24 – Décembre 2010

Edito par Murielle Lefebvre

La newsletter a deux ans déjà !

C’est donc la 24ème édition que nous vous offrons en ce début d’année 2011.

Le bilan de l’année 2010 au sein de notre association est largement positif.

Nos activités de diffusion et de communication sur la pédagogie de Maria Montessori et sur l’éducation au sens large n’ont cesse de s’ouvrir à de plus en plus de monde.

Nos conférences parisiennes ont subi, elles aussi, les divers problèmes conjoncturels et météorologiques. Nous en sommes autant désolés que vous car nous louons une salle, nous communiquons sur le programme et nous dérangeons des intervenants, en vain. Heureusement, la fréquence désormais mensuelle de cette formule nous permettra de vous retrouver pour des thèmes différents d’un mois sur l’autre.

Nos formations ont battu leur plein puisque nous avons hélas dû clôturer notre mois de juillet au complet.

La version de notre livre « la pédagogie montessori illustrée » est épuisé depuis quelques semaines et nous avons lancé une version électronique.

Notre association est adhérente à d’autres associations dans le monde de l’enfance et surtout du handicap.

Merci à tous, partenaires, intervenants, formateurs, stagiaires et adhérents.

Notre tache est grande pour que l’Enfant soit enfin entendu, reconnu et respecté. Cette perspective nous motive à être actif en cette prochaine année que nous vous souhaitons la meilleure.

Murielle LEFEBVRE

Responsable pédagogique de l’Association AMIS

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KRISHNAMURTI ET L’EDUCATION : une perspective radicale à l’aube du 3ème millénaire par Agnès DURAFFOUR

Suite et avant-dernière partie

L’ego et l’égoïsme

Ce que nous appelons ici « l’égoïsme », c’est le mouvement de l’ego, du moi. L’égoïsme peut se manifester sous différentes formes, que ce soit dans la recherche du pouvoir, d’une position sociale, ou à travers un idéal, une mission altruiste, des bonnes oeuvres, que ce soit à travers la dévotion, l’adoration de l’homme religieux, la domination brutale du tyran ou dans la recherche d’une satisfaction personnelle. Nous n’échappons pas à « l’incessant mouvement du moi » .

L’ego ou le moi est générateur de toutes les discordes et de la confusion. Différents systèmes, différentes méthodes qui ont cherché à combattre cet égoïsme. Mais l’égoïsme semble déjouer toutes ces initiatives.

Dans le domaine de l’éducation, il est important de prendre conscience de toute « la malignité du moi », du « danger qu’il représente dans nos vies ». Peut-être l’éducateur ignore-t-il les effets de cet égoïsme, ou ne sait-il pas comment s’en libérer. Il est important cependant que cela vienne à sa conscience, à travers la vision pénétrante, pour que lui-même puisse aider l’élève à s’en libérer. C’est là la tâche essentielle de l’éducateur.« Pour nous, l’objet de l’éducation, c’est de libérer l’esprit du moi (…) Notre rôle est de faire éclore une génération nouvelle libérée de cette énergie limitée qu’on appelle le moi » . L’ego est à la racine de la corruption de l’esprit. Le moi peut utiliser les savoirs à ses propres fins, les mettre au service de sa propre avidité et de sa cruauté. D’où toutes les guerres, la corruption, la malhonnêteté, l’individualisme, la concurrence, l’avidité… « Se conformer, imiter, sont le propre du moi » .

S’il est conscient de cela, l’éducateur fera en sorte d’aider l’élève à être conscient de son propre égoïsme, à se libérer du moi, en l’amenant à observer ses manifestations. Cela suppose beaucoup d’amour et d’affection, et de la simplicité dans la relation.

« La beauté existe seulement quand le grand fleuve du moi s’est complètement tari. Là où il n’y a pas de moi, il y a la beauté. De l’abandon du moi naît la passion de la beauté ».

Qu’est-ce qu’un enseignant ?

Qu’est-ce qu’un enseignant ? Nous découvrirons à travers ce texte différents propos sur le rôle de l’enseignant, sur l’attitude et la relation éducatives.

KRISHNAMURTI remarque que peu d’enseignants ont vraiment pris conscience de la dimension de leur responsabilité et de leur rôle. La plupart définissent leur profession par la transmission des savoirs, et interviennent sur un plan scolaire en aidant l’étudiant, l’élève, dans la poursuite de ses études. Mais la tâche de l’enseignant est bien plus noble et bien plus importante. Il est essentiel qu’il en soit conscient, et qu’il comprenne qu’elle ne se limite pas à la seule transmission des savoirs, et qu’il n’est pas un ordinateur. « Il doit s’intéresser au comportement, à la complexité humaine de l’action et à une façon de vivre qui soit un épanouissement de la bonté ». Si l’enseignant s’interroge sur le devenir de l’humanité, sur l’avenir de la conscience, alors il percevra toute la dimension de sa tâche et de sa responsabilité. Pense-t-il que nous soyons condamnés à vivre dans la souffrance ? Si ce n’est pas le cas, il comprendra alors que l’éducation n’est ni plus ni moins qu’un déconditionnement qui conduit à la liberté et à l’éveil de l’intelligence. C’est à lui et à tout éducateur que revient la responsabilité de « propager cette flamme », quel que soit le secteur dans lequel nous intervenons. «L’éducateur a donc une énorme responsabilité, et sa profession est la plus noble qui soit. Il doit donner au monde une génération nouvelle (…) » .

L’enseignant exerce « le plus beau métier du monde », même s’il n’est pas toujours respecté. Sera-t-il à la mesure de sa tâche ? En amenant l’élève à se libérer de ses conditionnements, lui-même prend connaissance de ses propres limitations. C’est en comprenant sa manière de fonctionner, sa manière d’être en relation avec l’élève, qu’il peut amener l’élève à comprendre ce qu’il est. Ainsi,« la vraie éducation commence par celle de l’éducateur », et « son enseignement est à l’image de qu’il est » .

La mise en oeuvre de cette responsabilité doit s’accompagner des conditions institutionnelles qui la rende possible (nombre d’élève dans les classes, ce que l’on enseigne…).

La part du savoir

KRISHNAMURTI constate que l’éducation actuelle met l’accent sur l’acquisition des savoirs, et que cela constitue la raison d’être des écoles. Lorsque le savoir devient « routinier, mécanique » , lorsque notre cerveau cesse d’apprendre et se trouve conditionné par ce qu’on lui enjoint d’apprendre, il perd toute forme de sensibilité. Nos activités et notre esprit deviennent alors eux-mêmes de plus en plus mécaniques. Que ce soit sur notre lieu de travail, dans notre vie quotidienne ou à l’école, nous nous installons dans une routine qui fait que notre façon de vivre devient de plus en plus mécanique et médiocre.

Les technologies, qui relèvent du savoir, envahissent de plus en plus nos vies. L’ordinateur supplée peu à peu aux capacités de l’homme, et l’on peut se demander ce qu’il adviendra au cerveau humain dans ces conditions. L’éducation, de nos jours, met trop l’accent sur la technique, et c’est là un écueil qui nous conduit vers toutes sortes de dérives et de brutalités. On assiste dès lors à une « standardisation des esprits ».

La spécialisation, qu’elle soit professionnelle ou dans le domaine de l’acquisition des savoirs, rend nos esprits plus « étroits, limités, incomplets ». Pourtant, nous nous en remettons à l’autorité de ces spécialistes. Il nous faut comprendre que c’est là une forme de conditionnement qui nous rend dépendants des décisions d’un état, tout aussi démocratique qu’il puisse être.

Nous nous tournons de plus en plus vers toutes sortes de divertissements extérieurs, et il semble que très peu d’énergie soit consacrée à l’étude de ce nous sommes.

L’acquisition de connaissances et l’intellect sont très valorisés dans notre société. On considère que l’accumulation d’informations constitue un esprit instruit, et l’on en fait un critère d’intelligence et de réussite sociale : ce sont les personnes brillantes sur un plan intellectuel qui s’approprient les places les plus importantes. Pourtant, que connaissent-elles de l’amour et la générosité ? Il semble qu’elles ne fassent preuve que d’arrogance et de vanité. C’est pourtant là le modèle de référence des grandes écoles, et les jeunes, lorsqu’ils sont pris dans le piège de ce système, perdent tout le sens de la beauté de la vie.

Force est de constater que « le savoir ne conduit pas à l’intelligence ». Les savoirs sont issus soit de l’expérience, de nos activités et pratiques professionnelles, ou de ce que nous avons appris à l’école. Mais en dépit de tout ce savoir que nous avons accumulé, il semble que nous ne savons toujours pas « agir intelligemment ». L’homme a utilisé le savoir scientifique pour son propre profit, pour créer des instruments de guerres et polluer la planète. Est-ce cela, « l’intelligence » ? L’éducation telle que nous la connaissons aujourd’hui aide rarement un être humain à « exceller dans sa vie de tous les jours ». « Savoir, c’est ne pas savoir, et comprendre que jamais le savoir ne peut résoudre les problèmes humains, c’est l’intelligence ».

Les enfants, dès leur plus jeune âge, sont confrontés à un apprentissage de plus en plus technique et complexe qui, bien souvent, ne leur plaît pas. Cette inculcation de savoirs est en fait une forme de gavage et de conditionnements qui les amènent à se conformer. En dépit de tous les efforts d’apprentissage et de transmission, nous savons bien que nombre d’entre eux qui auront fait de longues études ne trouveront pas de travail. Il est préférable de faire en sorte que ces enfants ne véhiculent plus le fardeau de leurs problèmes psychologiques, de leurs peurs, de leurs anxiétés, de la cruauté à laquelle ils ont pu être confrontés, et de les aider à être attentifs, généreux affectueux. « C’est beaucoup plus important que d’imposer le savoir à leurs jeunes esprits » . C’est ainsi qu’ils pourront découvrir une autre manière de vivre ensemble.

Quel est donc le statut du savoir dans la perspective éducative de KRISHNAMURTI ? Certes, le savoir est « indispensable pour avoir un bon métier » , mais l’éducation ne consiste pas seulement dans l’acquisition de connaissances, mais elle repose sur la connaissance de soi. «Nous nous soucions non seulement du savoir des choses du monde, mais aussi de l’étude de soi au cours de laquelle on apprend et on agit » . Le savoir et la connaissance ne sont pas deux domaines séparés. La connaissance participe à « l’éveil de l’intelligence » qui, lorsqu’elle sera développée, pourra utiliser sciemment les savoirs, s’appuyer lucidement sur la mémoire. Il faut, pour cela, déjà comprendre par l’observation toute la structure du savoir et de la tradition, de ce « mécanisme de l’esprit générateur d’habitudes » . Suivre ou accepter une tradition, qu’elle soit religieuse ou intellectuelle, manifeste une recherche de sécurité. La tradition, avec son ensemble d’habitudes répétitives, sa routine, nous conduit à un gaspillage d’énergie et à une « vie mécanique » où il n’existe pas d’ouverture et d’attention à ce qui est.

L’enseignant peut dès lors, dès que l’occasion se présente, faire comprendre tout cela aux élèves.

Notre cerveau est conditionné par l’ensemble des savoirs qu’il a accumulé, et il ne peut pas ainsi aborder les situations de la vie avec un esprit neuf. Bien qu’il possède une capacité infinie, qu’il soit mobile et mouvant, il est pris « dans le carcan du connu », dans ses souvenirs, ses peurs et ses angoisses . C’est ainsi qu’il façonne et modélise son monde, son environnement. Il nous faut sortir de cette ornière étroite. « Examiner ce qui se passe réellement, sans références à des théories, des préjugés et des valeurs, c’est l’éducation » . C’est de cette attitude que peut se dégager une perception claire de ce qui est dont découle l’action juste. « Se libérer du connu » est alors le premier pas de l’intelligence en acte et de l’exploration. Lorsque l’intelligence n’est plus prisonnière des limites du savoir, elle peut agir efficacement en accordant une « juste place à l’information ».

Le rôle de la pensée : comment penser clairement ?

Il est important aussi de prendre conscience du rôle de la pensée en éducation. La pensée est une des activités fondamentales de l’esprit, et elle crée des images à partir de ce qui est perçu. C’est là l’origine de nos souffrances. Cela a une incidence directe dans nos relations, et dans toute notre conception de la vie, car lorsque la pensée intervient, nous sommes alors en relation avec des images : l’image que nous faisons de notre femme, de nos enfants, de nos élèves, et nous ne les voyons plus tel qu’ils sont. Il n’y a plus à proprement parler de relation, parce que la relation ne peut exister que dans le vide d’images. La pensée et les idées qu’elle crée nous détourne de l’observation, de l’attention à ce qui est. Nos actions et nos relations sont alors dominées par la pensée.

De même, le mot n’est pas la chose, et le mot empêche une perception directe de ce qui est : « Le mot nous empêche de voir l’être humain » .

La production de la pensée est aussi une des activités principales des intellectuels, et elle occupe une place considérable dans le domaine de l’éducation. Par « intellect », il faut comprendre la capacité de discerner, d’imaginer, de créer des illusions, de raisonner logiquement, sainement ou non, objectivement ou subjectivement, de penser clairement ou non. La faculté de penser est une caractéristique de l’intellect. Mais l’intellect ne constitue qu’une partie des capacités de l’homme. Le fait de lui accorder une trop grande importance contribue à réduire les potentialités de l’homme et donc contribue à sa « dégénérescence », à réduire le sens de la vie, car la vie c’est aussi de notre manière d’être en relation, de nous comporter et d’agir. Si nos actions sont dominées par la pensée, elles sont forcément réduites, partielles. Pourtant, l’intellect a pris beaucoup d’importance dans notre vie quotidienne et dans l’éducation.

C’est par la pensée que nous produisons le monde qui nous entoure, avec ses plus grandes réalisations technologiques et toutes ses guerres. La pensée n’a pas créé la nature, mais l’utilisation des ressources naturelles et la domination de la nature par l’homme relève de la pensée. C’est ainsi que nous détruisons le monde.

Nous ne nous sommes jamais interrogés sur la nature de la pensée, elle semble être un « allant de soi » et, de ce fait, elle est devenue « le tyran de notre vie » . Comment se fait-il que l’homme lui ait accordé une place si grande ? La pensée est limitée, et lui accorder plus d’importance qu’elle n’en a ne permet pas le plein épanouissement de l’homme. La pensée ne nous permet pas de comprendre ce qu’est l’amour, l’affection, la beauté. «Quand nous vivons uniquement par la pensée, avec ses complexités et ses subtilités, avec ses objectifs et ses orientations, toute la profondeur de la vie nous échappe, car la pensée est superficielle » . La pensée est cette « fenêtre étroite » par laquelle nous regardons le monde.

De même, l’ambition, nos mobiles personnels, les exigences sociales et économiques, limitent nos capacités, celles de notre cerveau en établissant une restriction à un idéal ou a un but à atteindre.

En observant le processus de la pensée, nous pouvons comprendre comment nous vivons. Il s’agit pas de vouloir mettre fin à la pensée elle-même, mais plutôt de voir ce qu’elle rassemble comme poids de chagrins, de souffrances, d’avidité… Lorsque tout ceci est résorbé, alors la pensée retrouve sa juste place, une place limitée « au savoir et à la mémoire dont chacun a besoin dans la vie quotidienne », sans s’approprier tout le champ de la vie, comme elle l’a fait jusqu’à présent.

L’objectif de l’éducation ne doit donc pas être de nous apprendre ce qu’il faut penser, mais « comment penser clairement » sans avoir recours à une utilisation mécanique de la pensée, et cela dépend de notre perception. Celle-ci doit être « claire, impersonnelle, débarrassée de toute contrainte ». «La pensée claire est sans préjugés, sans parti pris, c’est l’observation sans déformation » . L’éducateur se préoccupe dès lors davantage de connaître l’élève, de comprendre ce qu’il est, de déceler ses conditionnements, plutôt que de chercher à lui imposer ses opinions, ses jugements et ses conclusions. Actuellement, l’éducation met l’accent sur le développement de l’intellect, de la pensée et du savoir. Nous en avons besoin dans notre vie quotidienne mais ils nous permettent pas de comprendre ce qui se joue dans la relation que nous avons les uns avec les autres. Car la pensée établit toujours une séparation, une division dans la relation. « Quand la pensée régit toutes nos activités et toutes nos relations, elle conduit à un monde de violence, de terreur, de conflit et de misère » . « Seuls l’amour et une façon juste de penser » pourront amener à un véritable changement, nous dit KRISHNAMURTI .

Etre en relation : un art de vivre

« Etre en relation », c’est l’un des points essentiels de l’enseignement de KRISHNAMURTI. « La relation avec un autre être humain est une des choses les plus importantes de la vie (…) La relation est la vie, et s’il n’y a pas une relation quelconque, on ne peut exister.» .

La plupart du temps, nous faisons intervenir la mémoire et la pensée dans nos relations. Les éléments du passé surgissent et interfèrent dans notre relation, produisent des peurs, de l’aversion ou de la nostalgie ; ou alors nous vivons avec l’image que nous nous faisons d’une personne sans voir ce qu’elle est réellement. Nous avons accumulé un certain nombre d’informations sur cette personne, et nous restons fixés, figés sur ce savoir. «Si la mémoire intervient dans une relation, ce n’est plus une relation. La relation a lieu entre les êtres humains, pas entre leurs mémoires » . Il n’y a plus alors de véritable communication où chacun apprend au sujet de lui-même et de l’autre. Dans cette relation, il n’y a plus de vie, plus d’amour. « L’amour n’est pas ce qui était » .

Bien souvent, nous ne nous intéressons qu’à nous même, et nous prenons l’autre en considération uniquement lorsque nous y voyons un intérêt personnel, selon notre plaisir. Ces relations qui mettent l’accent sur des objets « trahissent la vie » et aboutissent à des conflits, à des rapports de force, de soumission ou de domination. « La satisfaction du plaisir est une démarche de l’ego », et dans cette relation, chacun cherche à exploiter l’autre. Il n’y a plus a proprement parlé de relation. Nous pensons qu’il existe deux entités séparées, moi et l’autre, et la conséquence de cette division est affirmation de notre personnalité, c’est-à-dire de notre ego, avec les désirs, les conflits, les souffrances (jalousies, tourments…) et les peurs qui l’accompagnent.

Ou alors la relation s’est figée dans des habitudes qui nous conduisent à une certaine négligence ou à l’indifférence. Nous pouvons aussi nous sentir responsables uniquement vis-à-vis de certaines personnes, et la relation est alors « fragmentée ».

« Nous vivons dans une société en dégénérescence parce que nous avons corrompu les relations humaines ».

Etre en relation est à un art de vivre qui requiert beaucoup d’intelligence. Il existe une façon de vivre sans conflits, sans contraintes, sans le poids du conformisme, mais cela n’est possible que si l’esprit est en mesure de voir ce qui se passe dans l’instant même de la relation.« L’école est un endroit où l’on acquiert non seulement des connaissances nécessaires à la vie quotidienne mais où l’on apprend aussi l’art de vivre avec toutes ses complexités et ses subtilités. Nous semblons l’oublier et être totalement pris au piège de la superficialité du savoir » .

La relation entre le maître et l’élève est elle-même un processus d’apprentissage. L’éducateur doit permettre à l’élève de comprendre sa relation au monde, pas celui de l’imaginaire ou du romantisme, mais le monde réel, les faits de sa vie quotidiennes. Il est donc important qu’ils aient le temps et le loisir de parler de leur relation, de comprendre ce qui s’y joue, leurs réactions… Dans cette relation, dans cet acte d’apprentissage, il n’y a ni maître ni élève, ni enseignant ni enseigné, quelqu’un qui sait et quelqu’un qui ne sait pas, il y a que relation et le fait d’apprendre. Le maître et l’élève peuvent alors coopérer et travailler ensemble dans un « même » esprit. Cette relation ne repose plus sur l’autorité du maître, il ne suffit pas à l’enseignant d’avoir de nombreuses connaissances, mais d’avoir aussi cette qualité d’affection qui lui permettra d’entrer en relation avec l’élève. Cette relation est en fait un jeu de miroir où chacun apprend de lui-même par l’observation de ses réactions, pensées, émotions… Cette compréhension est bien plus importante que l’accumulation de savoirs, nous dit KRISHNAMURTI. Si l’enseignant comprend cela, alors il comprend que son rôle est d’amener à une « révolution radicale de la psyché » par la relation éducative.

Alors, l’éducation ne consiste plus seulement en le simple enseignement des matières scolaires. « Quand l’enseignant et l’enseigné ont à coeur de comprendre vraiment l’importance extraordinaire de la relation, ils établissent alors entre eux, dans l’école, une relation juste » . Il importe qu’entre les membres de la communauté éducative, il y ait des relations qui soient « bonnes, amicales, affectueuses et pleines d’attentive compréhension ».

Etre en relation, c’est aussi savoir vivre avec la nature et être sensible à la beauté du monde qui nous entoure. Cette sensibilité est l’essence même de la relation.« Si vous avez perdu le contact avec la nature, alors vous perdrez inévitablement le contact avec les êtres humains (…). Etre sensible à la feuille tombée, au grand arbre sur la colline, est bien plus important qu’être reçu à tous les examens et faire une brillante carrière. Les examens et la carrière ne sont pas toute la vie » . KRISHNAMURTI peut nous faire part dans nombre de ses ouvrages de sa relation avec la nature, sans qu’il s’agisse là d’une intentionnalité pédagogique, mais plutôt de la communication d’une réelle sensibilité. On y retrouve de nombreuses descriptions dont la qualité s’exprime à travers le détail et la précision, le contenu poétique d’une extrême simplicité et d’une profonde vérité. « Vous est-il déjà arrivé de vous réveiller le matin et de regarder par la fenêtre ou de sortir sur la terrasse et de regarder les arbres et l’aube printanière ? Vivez avec elle, écoutez tous les sons, les chuchotements, la brise légère parmi les feuilles. Voyez la lumière sur cette feuille et regardez le soleil apparaître et illuminer la colline et la prairie » . Si nous parvenons ainsi à observer avec un regard neuf tout ce qui nous entoure, en commençant par les arbres, les fleurs, en se laissant traverser par le mouvement du vent, alors nous pouvons de même aborder chaque situation de la vie quotidienne avec un regard neuf. De même pouvons-nous aborder chaque personne, que ce soient nos parents, nos élèves, notre mari ou notre femme comme si c’était la première fois. Dans cette relation, il n’existe plus aucun élément du passé, aucune image.

Lorsque nous sommes ainsi en communion avec la nature, nous sentons à quel point nous ne sommes que sa prolongation. Si nous lui manquons d’égard, d’attention, c’est nous même que nous détruisons. Regardez tout ce qui vous entoure « avec un sentiment d’affection, de responsabilité, avec le désir de ne rien abîmer », nous dit KRISHNAMURTI. Cette communion est la même que celle que nous pourrions avoir avec les hommes. Elle ne peut s’exprimer par des mots. « Quand vous avez une telle communion avec la nature, alors votre relation à autrui devient simple, claire, sans conflit » . Mais il semble que nous ayons perdu le sens de cette relation.

Nous vivons dans la fragmentation, dans la division entre nationalités, entre races, entre classes. Nous avons perdu de vue que « nous sommes du même bois » , que nous vivons ensemble, que « nous sommes tous des êtres humains et nous vivons sur cette terre merveilleusement belle ». Il n’y a pas d’ennemi autre que nous. « Vivre dans une telle harmonie avec la nature, avec le monde, engendre tout naturellement un monde différent».

L’art d’apprendre

Nous pensons que le but de l’éducation est d’obtenir un emploi, de faire une brillante carrière, d’acquérir des connaissances ou des savoir-faire, de s’insérer socialement en se conformant à un modèle imposé. A force d’efforts, nous parvenons ainsi à avoir un métier qui nous plaît, ou qui nous est imposé par la conjoncture sociale et économique. Mais l’on peut constater que la plupart des personnes n’aiment pas leur travail.

L’éducation devrait essentiellement nous enseigner « l’art d’apprendre ». «Une école est un lieu où l’on apprend et pour cette raison, il est sacré » . Il s’agit d’apprendre non seulement sur le monde qui nous entoure, mais surtout sur ce que nous sommes, sur « la nature et la structure de la psychologie humaine », non seulement d’après les livres, mais d’après « tout le mouvement de la vie » . « Il est très important d’apprendre ce que vous êtes car ce que vous êtes crée cette société si corrompue et immorale avec cette énorme progression de la violence, cette société si agressive où chacun cherche sa propre réussite, sa propre réalisation » . C’est parce que nous avons négligé cette dimension de l’apprentissage que le monde extérieur est plein de désordre, de confusion, de cruautés, et que nous sommes perpétuellement en conflit et anxieux.

Apprendre est une activité essentielle à l’école. «Une école est un lieu de loisir où l’enseignant et l’enseigné apprennent tous deux » , à travers la relation; c’est un endroit « où l’élève est d’abord heureux, où il n’est pas brimé, où il n’a pas peur des examens » , où l’on enseigne « l’art d’apprendre » . Avoir le loisir d’apprendre suppose un esprit calme et disponible, qui n’est pas occupé, et qui a « infiniment le temps » d’observer, d’écouter, de « voir clairement », sans motif et sans direction, sans contraintes. Ainsi, l’esprit n’est pas mécanique, et il peut observer librement.

De même, il est important que l’éducateur dispose cette même tranquillité de l’esprit pour pouvoir accorder suffisamment d’attention aux élèves, à leur vie, sans être absorbé par des préoccupations financières, par exemple. Il doit donc disposer de temps pour « être tranquillement seul avec lui-même », résoudre ses propres problèmes afin que « la rumeur et le bruit de son tumulte intérieur » ne vienne pas perturber la relation qu’il entretient avec ses élèves. Il est important qu’il se sente heureux pour pouvoir donner « le meilleur de lui-même » . « Dans une école, l’enseignant est la personne la plus importante car c’est de lui ou d’elle que dépend le bien futur de l’humanité » .

Nous pensons que pour apprendre, il faut avoir un esprit curieux. Mais la curiosité dépend bien souvent du plaisir, d’une excitation ou d’une émulation et nous amène à nous nous informer sur tel ou tel sujet. Lorsque nous avons compris ce qui nous relie au monde, alors l’apprentissage devient atemporel et pleinement vivant.

Nous établissons souvent une confusion entre la concentration et l’attention. Dans l’apprentissage, habituellement, on sollicite la concentration des élèves afin qu’ils assimilent tout un ensemble de connaissances et obtiennent de bons résultats. La concentration consiste à « focaliser son énergie en un point » : un leçon, les propos de l’enseignant… Elle exclut la distraction. Or, il ne peut y avoir concentration que lorsque l’esprit est libre de s’intéresser à ce qui est. Le fait de faire un effort pour fixer son attention sur un point, un objet, suscite une résistance, une lutte, ce qui conduit à un « rétrécissement de la perception » . « L’élève qui regarde voleter une feuille au soleil est attentif » , nous dit KRISHNAMURTI. C’est une forme d’attention et de sensibilité. Le contraindre à se concentrer décourage alors son sens de l’observation et sa sensibilité. « L’on peut obliger l’enfant à se tenir tranquille, mais agir de la sorte c’est ne pas avoir rencontré face à face cela même qui fait que l’enfant est obstiné, insolent, etc.»

L’acte d’apprendre passe par « l’observation pure », « l’observation d’instant en instant » . Cette observation est libre.« Tout le mouvement de la vie, c’est apprendre. Il ne se passe jamais un moment sans qu’on apprenne. Dans chaque action, dans chaque relation, il y a le mouvement d’apprendre» .

Le sens habituel que l’on donne à l’apprentissage est celui de l’acquisition de connaissances. C’est ainsi que nous avons été conditionnés. L’accumulation du savoir nous cantonne dans le registre du connu, et il est important d’en voir la limitation. « Apprendre n’a pas de limite. L’esprit qui apprend constamment est au-delà de tout savoir » . L’acquisition de connaissances est nécessaire, mais jusqu’à un certain point, et il faut bien comprendre qu’elle ne nous permettra de nous connaître nous-mêmes et de comprendre notre vie. « Nous apprenons à gagner notre vie, mais jamais nous ne la vivons. Gagner notre vie occupe la plus grande partie de notre existence et nous n’avons pratiquement pas le temps pour le reste. (…) Il existe tout un domaine, celui de la vie réelle, qui est totalement négligé (…) Les êtres humains ont créé une société qui dévore tout leur temps, toute leur énergie, toute leur vie » .

Si l’éducateur a lui-même compris le sens profond de ce mouvement qu’est l’apprentissage, le loisir d’apprendre, alors il peut faire en sorte que le fait de gagner sa vie, de trouver un emploi ne devienne plus un torture, un tourment, pour l’élève, tout au long de sa vie, avec son lot de peurs, de terreurs et d’anxiétés. « L’éducateur a pour tâche de faire éclore une nouvelle génération afin de changer la structure sociale, pour que gagner sa vie ne soit plus la préoccupation exclusive.

Enseigner devient alors un acte sacré » .

Mais ce n’est pas seulement sur les bancs de l’école que nous apprenons, comme nous avons un peu trop tendance à le croire. Lorsque nous avons achevé nos études, nous pensons que nous avons fini d’apprendre. Or, la vie elle-même n’est que art d’apprendre et un « processus d’auto éducation » permanent.

Nous pouvons apprendre par les livres, mais il est plus important d’étudier le livre de ce que nous sommes, de notre vie, parce qu’on y retrouve l’humanité toute entière. « Tout y est : les institutions et leurs pressions, les duperies et les doctrines religieuses, leur cruauté et leurs croyances » . Cette histoire est à lire dans nos réactions, à travers nos pensées, dans notre relation avec tout ce qui nous entoure. « Apprendre, c’est lire ce livre avec un soin minutieux » . C’est en comprenant ce que nous vivons dans notre intériorité que nous pouvons comprendre le monde extérieur. De cet apprentissage, il résulte une grande force intérieure, faite de clarté, qui nous amène à ne plus être dépendant de l’ordre établi, de la pensée ordinaire, de savoirs de seconde main. « Apprendre sur soi procure une grande force et une grande vitalité ». C’est « la force de l’affection et de l’intelligence » .

La vie est un mouvement perpétuel. Les situations sont mouvantes, changeantes, et nous nous apercevons que « notre esprit n’est pas assez vif et sensible pour en suivre les subtilités » . L’éducation a pour objet de nous permettre d’acquérir cette vivacité de l’esprit dans toutes nos actions et relations.

Explorer, réfléchir ensemble et coopérer

On ne peut pas parler de l’apprentissage sans parler de l’exploration. L’exploration suppose d’aborder les faits, ce qui est à observer, avec un esprit neuf, sans faire intervenir la mémoire, des éléments du « déjà connu », nos craintes ou nos aspirations. Elle n’est pas à la recherche d’une satisfaction, elle ne se porte pas sur un objet particulier. Elle est en elle-même « sa propre source ». C’est une investigation à l’intérieur de soi-même, libre de toutes entraves, de tout jugement, indépendamment de l’autorité de celui qui sait. C’est lorsque l’intellect s’est calmé, lorsque la pensée a cessé d’être agitée par tout ce qu’elle a emmagasiné par la mémoire que survient l’exploration.

Dans ce sens de l’exploration nous découvrons l’art de réfléchir ensemble. Apprendre à réfléchir ensemble semble être un enjeu vital dans le monde qui est le notre, afin de trouver des solutions à cette crise que nous traversons. Pourtant, nous nous apercevons que jamais nous ne réfléchissons ensemble, parce que nous présentons toujours le résultat de notre pensée, de nos acquis, de nos savoirs, de nos souvenirs, de notre conditionnement. Chacun est ainsi attaché à sa façon de penser, et cela ne laisse jamais la possibilité d’aborder les faits, les situations avec un esprit neuf, en considérant la vie dans sa globalité. Chacun est attaché à défendre ses propres intérêt, qu’ils soient d’ordre matériel, intellectuel ou culturel : il n’est pas possible de réfléchir ensemble si l’on est identifié à un français, un arabe ou à un japonais, à un professeur ou tel spécialiste.

Lorsque je prends conscience de ces conditionnements de la pensée, de ce risque de séparatisme, alors je me trouve face à la solitude immense de la démarche qui est la mienne si je ne souhaite pas alimenter le flot de la « conscience destructive de l’homme » . Dans cette prise de conscience, je m’ouvre à un courant de bonté, d’amour et de compassion qui est l’éveil de l’intelligence.

Il n’est pas possible de développer un esprit de coopération si nous n’avons pas trouvé une harmonie en nous-mêmes, ou si nous sommes préoccupés par notre seule personne, nos intérêts personnels. La coopération suppose une grande honnêteté et une « claire perception des choses telles qu’elles sont ».

Apprendre à réfléchir et à travailler ensemble, coopérer, est donc un enjeu dans une communauté éducative. Mais un certain nombre d’enseignants ou d’autres responsables éducatifs qui ne se sentiront pas concernés feront obstacle. Comment allons-nous faire, si nous nous situons dans une minorité, se demande KRISHNAMURTI ? Ce que la majorité énonce est bien souvent représentative uniquement des intérêts de quelques uns. Travailler dans cette perspective et dans ce contexte relève d’un défi.

La 3ème partie et fin de cet article sera proposée le mois prochain.

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Petit « conte féodal »… Par Alain Lefebvre.

Il était une fois, dans un très grand royaume, un monarque éclairé qui voulait le meilleur pour ses sujets. Un jour, il visita une école de son royaume et ce qu’il vit le laissa perplexe… Certes, la discipline était très stricte et respectée mais les élèves semblaient bien « éteints » du coup !

« Ce n’est pas avec des petits robots que mon royaume va prospérer » se dit le Roi, « il faut changer cela ! ». Décidé, il convoqua ses conseillers et leur demanda de se pencher sur la question. Le plus jeune d’entre eux revint avec une proposition originale : changer radicalement de méthode pédagogique et s’inspirer d’une nouvelle méthode en vogue dans quelques pays avancés.

Séduit par les principes humanistes de cette pédagogie, le Roi voulut la faire adopter immédiatement par toutes les écoles du royaume. Les conseillers le mirent en garde : « Majesté, cela ne peut se faire en une seule fois, c’est trop lourd et compliqué comme changement ! ». « De plus, il faut d’abord former les enseignants… Pour cela, il faut des structures d’accompagnement, Sire » ajoutèrent les conseillers jaloux du succès remporté par leur jeune collègue.

Le Roi, qui s’intéressait déjà à un autre projet, laissa faire le comité formé par ses conseillers pour mettre en place la nouvelle pédagogie. Bien entendu, les tenants de « l’école traditionnelle » firent en sorte d’infiltrer le comité et d’édulcorer les décisions prises. La nouvelle pédagogie fut donc « saupoudrée » à doses réduites sur quelques écoles choisies dans le système pour « mener une expérimentation graduelle ». Évidemment, cette « expérimentation ne donna rien de bien spectaculaire et ce projet de réforme fut enterré comme de nombreux autres avant lui.

Le jeune conseiller n’avait pas attendu cet échec pour reprendre sa liberté. Il avait quitté le conseil du monarque et était parti fonder sa propre école dans une province éloignée du royaume. Il était bien décidé à appliquer la nouvelle pédagogie et de faire profiter les enfants de ses bienfaits loin de la cour et de ses intrigues…

 

 

Les années passèrent et, un jour, le Roi entendit parler d’une école de son royaume dont la renommée allait grandissante. Ses conseillers habituels ne lui avaient rien dit sur cette école et le Roi, comprenant qu’il s’agissait d’une situation inhabituelle, ne leur demanda pas leurs avis et eut plutôt l’idée d’aller voir sur place lui-même. Prétextant une visite d’état dans cette province, le Roi changea son programme au tout dernier moment pour visiter cette école sans prévenir personne. Voulant rester incognito, le monarque resta dans le hall d’entrée pour observer les enfants qui étaient tous occupés à différentes pratiques et activités. Certains étaient seuls pour se concentrer sur un exercice ou une lecture, d’autres étaient en groupe pour utiliser un matériel à tour de rôle. Certains enfin étaient assis par terre autour de l’enseignant qui faisait une démonstration.

Au moment de la pause, le Roi essaya de se faire passer pour un parent intéressé par l’école mais l’enseignant qui n’était autre que l’ancien jeune conseiller avait reconnu le monarque dès son entrée.

– Majesté, c’est un honneur de vous recevoir dans notre modeste établissement mais si vous aviez prévenu, nous aurions préparé quelque chose de spécial pour vous, Sire.

– Justement, c’est ce que je ne voulais pas !

Je voulais pouvoir vous observer dans votre contexte habituel et ce que j’ai vu m’a convaincu : des enfants autonomes et concentrés, une vraie révélation. Voilà ce que je veux pour notre système éducatif…

– Majesté, nous avons déjà essayé de faire les choses en grands et, comme vous le savez, le « système » s’est contenté d’absorber notre essai, de le digérer et de l’oublier. Il faut savoir se contenter de petits pas pour réussir quelque chose de concret et de durable.

– Revenez avec moi à la cour et je vous nommerais ministre de l’éducation. Ainsi, vous aurez tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser cette pédagogie si efficace. Je vais donner immédiatement des ordres dans ce sens…

– Majesté, je vous en conjure, n’en faites rien !

J’ai bien réfléchi durant toutes ces années loin de la cour et je pense qu’il faut procéder par étapes en partant de la base. Ce sont les parents qu’il faut convaincre, pas le système éducatif traditionnel qui est un système uniquement occupé à sa propre survie. Vouloir brusquer les choses ne donnera rien de bon, Sire.

Comprenant que son ancien conseiller ne voulait pas reprendre sa place à la cour, le Roi adopta sa position : progresser par petits pas plutôt que par un grand élan. Et, pour donner l’exemple, le monarque mit ses propres enfants dans cette petite école éloignée en attendant qu’il s’en créé une plus proche de sa capitale. C’est ainsi que les parents apprirent l’existence et l’attrait de la nouvelle pédagogie. Quelques écoles basées sur cette approche ouvrirent dans le royaume et c’est ainsi que, progressivement, le changement commença à se propager dans le système éducatif, pour le plus grand bien des enfants…